Rénover l’industrie automobile
L’industrie automobile affronte en Europe des vents contraires de longue date, tant d’un point de vue industriel que commercial. L’accélération de l’électrification met cruellement à jour les impacts sur l’emploi industriel.
Et si l’industrie du reconditionnement marquerait-elle le renouveau industriel de l’automobile en France ?
Les sites industriels de l’Europe occidentale subissent la concurrence des ‘nouveaux’ sites industriels en Europe (Espagne, Europe du Centre et de l’Est, Turquie…) et de la montée en puissance de l’industrie automobile chinoise. Les ventes de véhicules neufs s’érodent et l’âge des acquéreurs avance. Les pratiques de mobilité évoluent. Enfin la réglementation impose des nouveaux challenges pour concevoir des véhicules sinon décarbonés au moins plus propres.
Vents contraires… et nouvelle ère ?
Dans ce contexte, le marché du véhicule reconditionné connaît une croissance significative et devient un enjeu croissant de captation de clients et de profits. Des acteurs plus nombreux multiplient les initiatives industrielles pour entrer sur ce marché.
🛒 Parmi les acteurs du marché du véhicule reconditionné, on peut notamment distinguer :
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Les véhicules reconditionnés : segment en forte croissance
Aramis, la pépite de Stellantis, est introduite en Bourse. L’IPO (Initial Public Offering) doit permettre au groupe de récolter les fruits de cette croissance (et donc du cash cher à M. Tavares) et développer les capacités financières d’Aramis qui cherche à se déployer en Europe et permettre une certaine domination de ce marché par un déploiement à l’international. A cette fin Aramis dispose de son propre outil de reconditionnement de véhicules et pourra sans doute compter sur les capacités et la culture de Stellantis pour assurer sa croissance.
Le Breton Bodemer appuie son concept Briocar sur une usine de reconditionnement en périphérie de Rennes. Ce qui permet à ce réseau de concession d’élargir sa gamme de véhicules vendus et répondre aux nouvelles attentes des consommateurs, Aramis ayant contribué à une forme de nouveaux standards en termes de véhicules. En effet le véhicule reconditionné se situe entre les véhicules neufs ou « 0 km » et les véhicules d’occasion faible kilométrage.
Maîtriser l’accès aux ressources et au marché, développer de nouvelles capacités
D’autres acteurs s’organisent et redéployent leurs capacités pour capter ce marché en croissance à l’image de Trigo ou d’Emil Frey. Ces deux exemples illustrent deux tendances complémentaires du marché du véhicule reconditionné. Trigo est un acteur classique de la sous-traitance auto qui valorise son savoir-faire en termes de contrôle qualité pour répondre aux attentes de (nouveaux) clients et fait du reconditionnement un relais de croissance. Quand Emil Frey à l’image de Bodemer est un groupe de distribution auto qui cherche à compléter sa gamme.
Amusant de constater que Renault se positionne comme un acteur historique du reconditionnement, signant sa dernière campagne grand public sur ce thème.
Mais comme notre monde est ambigu, Renault prend aussi à son compte le renouveau du reconditionnement. Les importants investissements pour le site de Flins consacrent l’industrialisation d’opérations de reconditionnement, jusqu’alors réalisées en petits volumes et de façon artisanale au sein de son réseau de distribution.
Cette approche permet au groupe de se (re)positionner sur un marché en croissance, de renforcer/ redéployer des actifs et savoir-faire industriels. Aussi elle s’inscrit dans le cadre d’une stratégie économie circulaire plus large afin de répondre à des attentes en termes d’optimisation de la fin du cycle de vie des véhicules.
Par ailleurs cette approche industrielle est sans doute renforcée par les pratiques de consommation de ses clients. Ces derniers sont de moins en moins propriétaires des véhicules. Nous devenons consommateurs de services de mobilité. En conséquence, les constructeurs cherchent à maximiser un actif qu’ils ne vendent plus (ou de moins en moins). L’allongement de cycle de vie des produits passe par une nécessaire industrialisation des processus de reconditionnement. C’est la massification, la standardisation qui permettent d’assurer la viabilité de ces opérations : la maîtrise du métier de reconditionnement est une nécessité pour assurer la qualité du service.
Différents angles d’attaques d’un marché du véhicule reconditionné en croissance
1- un marché révélé par des pure players du web et des pionniers de la phygitalisation des points de vente : l’aventure Aramis coursée par Autosphere, la vitrine web d’Emil Frey, ou Briocar. : des distributeurs qui anticipent la croissance d’une nouvelle attente de leurs clients et s’outillent en conséquence (outil industriel, distribution web…).
2 – des sous-traitants de l’industrie automobile qui valorisent leurs savoir-faire et actifs, par exemple en termes de logistique et de contrôle qualité, pour adresser de nouveaux besoins : l’expérience Trigo voire Gefco qui expérimente des moyens du contrôle qualité des véhicules augmentés par une IA (portiques ProovStation).
3 – une stratégie de bouclage (au sens de l’économie circulaire). Les métiers de l’industrie automobile sont transformés par la percée des services et les attentes d’impacts écologiques mieux maîtrisés.
Ajoutez-y une pincée de digitalisation…
En prenant en compte le digital, alors on appréhende mieux le foisonnement des offres. Cet esprit pionnier face à une « nouvelle frontière » qui anime certains acteurs du marché. Enfin le digital favorise une approche ‘Winner Takes It All’ (qui ne consiste pas à chanter à un standard d’ABBA).
Par conséquent il impose la montée en puissance des investissements pour capter les flux (de véhicules à reconditionner, de clients…). Les investissements industriels, le maintien ou la création d’emplois sortent la question du véhicule reconditionné d’un seul engouement marketing. Ce n’est donc pas un nouveau concept décorrelé des attentes clients mais bien une nouvelle aire de jeux !
Pour aller plus loin :
Actu Environnement (Nov. 2020)

Guillaume, titulaire d‘une licence d’histoire et d‘un Master d’Intelligence économique et communication stratégique, a exercé pendant 6 ans dans les éco-activités. Conseiller innovation au sein du CEEI Créativ, il sait mêler veille, industrie et innovation. Il apporte à Crisalide Industrie sa vision d‘historien-espion et surtout, son sens de la veille et de la recherche d’informations.